Actualités > Agir en amont pour la qualité de nos cours d’eau et réutiliser l’eau pluviale
Chez Luxplan, le département Hydrologie s’engage depuis de nombreuses années dans la gestion résiliente des eaux, qu’il s’agisse de l’assainissement, de l’eau potable ou des cours d’eau.
Rencontre avec Thomas Biendel, directeur du département Hydrologie de Luxplan, pour discuter de leurs travaux sur la gestion des eaux pluviales. Avec leur projet de recherche STORMLAND, financé par le Fonds National de la Recherche et en collaboration avec l’Université du Luxembourg, Luxplan vise à améliorer encore leurs solutions de traitement des eaux.
Les eaux de ruissellement sont une grande source de pollution pour nos cours d’eau car elles transportent divers polluants. Contrairement aux eaux usées traitées dans les stations d’épuration, les eaux pluviales, par leur volume important, contaminent nos masses d’eau, en principe, sans traitement. Elles peuvent contenir, entre autres, des hydrocarbures, des métaux lourds, des PFAS, des PFOS, des microplastiques, etc. qui se retrouvent dans nos cours d’eau via le ruissellement.
Cet impact n’est pas totalement caractérisé car les situations varient selon les conditions climatiques, le milieu récepteur et la zone de ruissellement. Cependant, une grande partie des substances utilisées dans la construction, l’industrie et l’agriculture se retrouve dans les masses d’eau de surface et souterraines par simple ruissellement et infiltration.
Les hydrocarbures proviennent des transports et des routes, les métaux lourds de certaines toitures et du mobilier urbain entre autres, et les micropolluants des peintures, des isolants, et de l’usure des pneus par exemple. Il existe d’autres sources. La situation est complexe. A priori, l’eau pluviale, avant de toucher le sol, ne présente pas de pollution caractéristique (à l’exception de l’acidification et éventuellement de la dissolution de gaz atmosphériques) mais c’est bien le phénomène de ruissellement qui génère la charge polluante dans ces eaux.
On a souvent l’image de la nappe d’hydrocarbures dans la rivière, issues d’une vidange sauvage ou d’un épanchement quelconque. Cependant, la majorité des polluants dans les eaux pluviales se trouve sous forme particulaire, c’est-à-dire « fixée » aux matières en suspension et leur entrée dans les masses d’eau n’est pas du tout spectaculaire. En fin de compte, la pollution accidentelle spectaculaire qui parait dans la presse représente une infime portion de la quantité d’hydrocarbures qui est déchargée dans les masses d’eau sous forme de particules. De même, les autres types de polluants entrent dans le cycle de l’eau de manière discrète et chronique.
Les eaux pluviales ne sont pas destinées à être acheminées vers une station d’épuration classique en raison des volumes et de la variabilité des débits. Les anciens réseaux d’assainissement mélangent eaux usées et eaux pluviales, entraînant des débordements polluants en cas de pluie. Les réseaux plus récents séparent ces deux types d’eau, avec un stockage des eaux pluviales avant rejet, mais sans traitement systématique.
Il existe cependant des solutions simples et robustes pour traiter de manière passive ces eaux pluviales avant leur rejet et Luxplan travaille et agit depuis plus de dix ans sur ce domaine.
Luxplan participe activement à la démocratisation de solutions passives de traitement des eaux pluviales avant rejet. Ainsi, il y a 10 ans déjà, le premier filtre à sable planté de roseaux pour du réseau pluvial strict a été mis en œuvre sur le site de la zone d’activité de Grass (ZARO, Steinfort). Il s’agit d’une solution gravitaire, simple et robuste offrant, en plus d’un aménagement paysager qualitatif, une amélioration notable de la qualité de l’eau pluviale rejetée dans l’Eisch.
Nous travaillons également pour l’Administration des Ponts et Chaussées sur le réseau autoroutier avec de nombreux projets de bassins de rétention couplés à des systèmes de filtration à sable (neuf ou en rénovation) dont un est entré en service fin 2023 à Raemerich.
Dans les deux cas, nous avons amélioré un simple système de rétention des eaux pluviales en y intégrant un dispositif de traitement. Pour cela, nous réalisons un surterrassement de 70 cm environ au fond duquel nous plaçons les drains de collecte de l’eau traitée et cette surprofondeur est ensuite remplie de sables et graviers de différentes granulométries en différentes couches. Par la suite, des roseaux sont plantés dans le sable. Il leur faut environ deux ans pour se développer et recouvrir toute la surface du filtre. Leur utilité est multiple : aide au décolmatage, apport d’ombre sur le plan d’eau contre le développement algal, développement d’une rhizophère capable de dégrader certains polluants organiques, refuge pour la faune, etc.
Quelques chiffres clé du bassin de Grass :
– Débit de pointe en entrée 7 m3/s (pour une pluie décennale HQ10)
– Trois débourbeurs en entrée de 54, 138 et 150 m3 avec cloison siphoïde
– 4 cellules distinctes de filtre à sable pour un total de 3244 m3 permettant le traitement complet d’une pluie biennale (HQ2)
– 2400 m3 de sables et graviers mis en œuvre sur 70 cm d’épaisseur
– Niveau d’eau maximal dans les filtres : 1 m
Le bassin de Raemerich est plus compact et plus technique, il s’agit d’un bassin autoroutier sans accès du public.
Le principe réside sur la filtration. L’eau traverse verticalement les sables et graviers pour rejoindre les drains. Au cours de son trajet vertical, l’eau pluviale perd une grande partie de sa charge polluante particulaire (de l’ordre de 90%). Les eaux récupérées sont évacuées gravitairement vers l’exutoire. Un projet de recherche avec l’Université du Luxembourg, nommé STORMLAND et financé par le Fonds National de la Recherche débute en juin 2024 pour vérifier l’efficacité du système et éventuellement l’optimiser. Il s’agit, dans une première phase, de caractériser la pollution car celle-ci est tellement diverse et variée qu’il est impossible de réaliser un monitoring exhaustif. La technique NTS (non-target screening) sera employée pour garder un spectre large dans le monitoring pour caractériser les eaux en entrée et en sortie de site. Dans une seconde phase, des solutions d’optimisation dans des pilotes in situ seront installées. L’objectif est, pour Luxplan, de confirmer sa solution et de l’améliorer pour de futurs projets et pour certaines applications, notamment le réemploi.
La solution du réemploi après traitement de ces eaux de ruissellement est apparue récemment, notamment avec les épisodes de sécheresse récurrents. L’objectif est de réutiliser cette eau traitée dans des applications plus sensibles qui ne pourraient pas nécessairement utiliser des eaux de ruissellement non traitées (agriculture, maraichage, certaines applications industrielles…).
Le projet durera 3 ans et des résultats intermédiaires sont attendus dès 2025.
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